31 octobre 2025 Mis à jour le 3 novembre 2025 UX/UI Design

Design et échecs : l’art de penser avant de bouger

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Le joueur et le designer

J’adore jouer aux échecs. En fait, non, ça va un peu plus loin que ça.
J’analyse des parties de grands maîtres, j’étudie les milieux de jeu avec Bobby Fischer et les finales théoriques avec Paul Keres (croyez-moi, c’est un monde à part). Pour tout dire, j’ai même voyagé aux confins de l’Europe pour prendre des cours avec Murtas Kazhgaleïev un célèbre (et très sympathique) Grand Maître kazakh. Voilà le tableau.

Les échecs, c’est bien plus qu’un jeu : c’est un art, un sport, une école de pensée. Le grand maître Vladislav Tkachiev parle même d’un art martial (et il était sobre en disant cela). Je pourrais évoquer les tops joueurs, les scandales avec Hans Niemann, les drames avec Daniel Naroditsky et les coups de génie de Magnus Carlsen tellement le sujet me passionne.

Et à dire vrai, j’ai beau y consacrer beaucoup de temps, faire partie d’un club et jouer en national 4, mon niveau reste celui d’un simple amateur. Mais qu’importe les victoires ou les défaites, pour moi le vrai plaisir réside dans la compréhension, dans l’apprentissage et dans la résolution de problèmes.

Mais alors pourquoi je vous parle d’échecs ?

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Quand deux mondes se rencontrent

Pendant longtemps, j’ai considéré mes deux passions (le design et les échecs) comme deux univers bien à part.
D’un côté, la logique froide de l’échiquier. De l’autre, la sensibilité et l’émotion d’un bon design.
Mais plus j’étudie l’un et je pratique l’autre, plus je découvre des résonances fascinantes.

Et là, vous vous dites « Oh le con, il va nous dire que le design et les échecs sont la même chose ! »
Eh bien… pas tout à fait. Mais presque.

La grille comme fondation de la pensée

Dans les deux cas, tout se joue sur une grille.

Sur l’échiquier c’est 64 cases et sur nos écrans les interfaces modernes et bien conçues sont structurées avec une grille en multiple de 8 (Material Design ou Apple Guidelines). Et dans les deux cas, chaque position, chaque espacement, chaque mouvement a un sens et a son importance.

Si vous avez un cavalier ou un fou mal placé alors votre partie (face à un bon joueur) sera condamnée. Pour un CTA mal positionné, ce n’est pas si différent. Au mieux cela ruine l’expérience utilisateur, au pire cela conduit au renoncement d’un acte d’achat. Comme quoi, chaque pièce ou chaque composant doit avoir son utilité, sa place logique et avec son rôle à jouer.

Le tempo et le rythme

Aux échecs, on parle de tempo. Il s’agit de l’initiative que l’on impose à l’adversaire.
En design, c’est le rythme. Un bon layout guide naturellement le regard, crée un flux (le rythme), une respiration entre les éléments.

Le tempo du joueur et le rythme du designer naissent de la même volonté d’orchestrer le mouvement, de donner vie à une structure figée. Le bon tempo, comme le bon design, ne se remarque pas. Il se ressent. (Je trouve cette phrase très belle, pas vous ?)

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L’art de penser avant d’agir

Il faut parfois savoir (ou oser pour ma part) sacrifier un pion pour gagner de l’initiative. En design, il faut parfois sacrifier un peu d’esthétique pour gagner en lisibilité, en accessibilité ou en inclusivité.

Je pense que le joueur d’échecs et le designer partagent cette même sagesse : toute décision implique un renoncement. Savoir ce qu’on retire est aussi important que ce qu’on conserve sur l’échiquier ou sur l’écran.

Le designer et le joueur doivent penser en système et anticiper les interactions de l’adversaire ou de l’utilisateur.

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La partie continue

Aux échecs, tout tourne autour du roi. En design, tout tourne aussi autour du ROI, le retour sur investissement ou retour sur intention.

Chaque interface possède un objectif : guider, simplifier, convaincre…
Le rôle du designer, comme celui du joueur, est d’y parvenir avec la meilleure stratégie possible. Si l’un cherche à faire mat en un minimum de coups, l’autre cherche le parcours en un minimum de clics.

Et quand la partie se termine, le travail continue. 
Un bon joueur d’échecs rejoue sa partie. Il traque ses imprécisions, ses coups manqués et il analyse ses coups et ceux de son adversaire en utilisant des outils en ligne en général sur chess.com ou lichess.org
Sachez qu’un designer plutôt consciencieux utilise lui aussi des outils pour contrôler le taux d’accessibilité de ces maquettes et analyser le comportement de ses utilisateurs (WAVE, Google Lighthouse, GA4, Click Maps…). Il peut observer où l’utilisateur hésite, rebondit ou abandonne le parcours. Il peut, comme le joueur d’échecs améliorer ses connaissances et la qualité de son travail. Et comme chaque design ou chaque partie sont différentes, on n’a jamais fini d’apprendre.

Le dernier coup

Aux échecs comme en design, il n’y a pas de place pour le hasard. Chaque coup est réfléchi, chaque détail compte.

Mais au-delà de la technique, ce sont deux disciplines où l’élégance n’est pas un but, mais le résultat d’un raisonnement bien construit. Un bon design, comme une belle partie, laisse une impression d’évidence. Comme si tout avait toujours été à sa place.

Et j’espère qu’à votre tour, en regardant une partie parfaite ou une interface inspirante, vous verrez ce qu’elles ont en commun : des années de travail et de passion. Et peut-être percevrez-vous comme moi, cette quête silencieuse de beauté qui née de l’équilibre et de la maîtrise de la complexité.

laurent
Rédigé par Laurent Canivet Designer